Voici Le livre à lire pour tout lecteur qui se respecte.
Stefan Zweig est un génie. Cette nouvelle ne fait que 116 pages (version roman aux éditions Stock) mais l’essentiel se trouve dedans. Pas d’artifice et un style haletant.
Le Joueur d’échecs (en allemand Schachnovelle) est une nouvelle de Stefan Zweig publiée à titre posthume en 1943. L’auteur l’écrivit durant les quatre derniers mois de sa vie, de novembre 1941 à son suicide, le 22 février 1942. La traduction française parut en Suisse en 1944 et fut révisée en 1981 (Jacqueline Des Gouttes).
Sur un paquebot s’opposent deux champions d’échecs que tout sépare : le champion en titre, d’une origine modeste mais tacticien redoutable (Mirko Czentovic) et un aristocrate qui n’a pu pratiquer que mentalement, isolé dans une geôle privée pendant la répression nazie (M.B.).
Tout les sépare sauf une dernière partie d’échecs…
Voici un livre d’un suspens poignant qui nous montre toute la fragilité de l’esprit humain, toute la perversion du rouleau compresseur nazi.
Socialement assez bizarre, proche du nihilisme, j’admire tout de même l’auteur pour son grand pacifisme et ses prises de position lors de la Seconde Guerre Mondiale.
Quand ce texte paraît à Stockholm (Suède) en 1943, Stefan Zweig, désespéré par la montée et les victoires du nazisme, s’est donné la mort l’année précédente au Brésil, en compagnie de sa femme. La catastrophe des années 40 lui apparaissait comme la négation de tout son travail d’homme et d’écrivain. « Le joueur d’échecs » est donc une confession à peine déguisée de cette désespérance.
Voici les derniers mots de Stefan Zweig, qu’il a écrit, avant son suicide :
« Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j’éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m’a procuré, ainsi qu’à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j’ai appris à l’aimer davantage et nulle part ailleurs je n’aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l’Europe, s’est détruite elle-même.
Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d’errance. Aussi, je pense qu’il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.
Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux« .
Stefan Zweig – Pétropolis, 22 février 1942

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